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Pourquoi une fille ne sait-elle pas tenir une épée?

Ou : Pour ne pas hurler au meurtre quand on est féministe et que l’on lit de la fantasy, faut-il lire exclusivement des romans écrits par des femmes?


On ne compte plus les romans de Fantasy où le groupe d’aventuriers courageux prêts à affronter tous les périls est exclusivement constitué…d’hommes. La Communauté de L’Anneau de Tolkien n’a pas un seul élément féminin. Dans le Seigneur des Anneaux, la femme de Sam reste à la maison. Certes, Eowyn sort une jolie réplique en trucidant un nazgul mais bon, c’est anecdotique comparé aux prouesses d’Aragorn, Frodon et sa clique. Et puis, le danger passé, Mademoiselle retournera à son château. Pas de traversée fantastique au devant des flots pour elle. Les femmes sont même un frein à l’aventure : Sam renonce à ses rêves pour une gentille vie de famille dans son village. Quant aux princesses dans «Les princes d’Ambres » de Roger Zelzany, elles n’aspirent pas au trône et laissent d’office les combats pour le pouvoir à leurs frères. D’ailleurs la seule femme dotée d’un tant soit peu de force et d’un joli talent d’escrimeuse est en fait un affreux démon (Dora).

On retrouve ce manque d’ambition dans la plupart des romans où l’héroïne ne vise qu’à aider le héro à triompher. Les Chroniques d’Alvin le Faiseur d’Orson Scott Card, nous présentent une Peguy avec une belle force de caractère. Elle part se construire seule loin de chez elle pour acquérir de nouvelles compétences. Mais on apprend très vite que son seul but est d’assister le personnage principal. Certes dans la plupart des romans les femmes aussi sont fortes et intelligentes (parfois ce sont de véritables cruches mais ne parlons pas des navets) mais elles mettent ces qualités au service de l’ « amour », tandis que l’homme doté de plus de grandeur, les met au service d’un idéal (sauver le monde, sauver sa peau, monter sur le trône, asservir un peuple, secourir un peuple, devenir riche, être reconnu par ses pairs et passer du statut de pouilleux à celui de guerrier et j’en passe et des pas meilleures). Parfois, lui aussi utilise ses dons pour secourir son aimée. Mais là, le plus souvent, la fille est une splendide potiche (schéma typique : Link et Zelda ou bien les chevaliers du Zodiaques et la princesse Athéna).

Autre cas de figure non moins irritant : la femme forte et le bénêt. Le bénêt devenant le plus fort pour sauver sa belle. Prenons un manga pour exemple cette fois-ci : Kekkaishi (je m’arrête bien vite sur les mangas car sinon j’en ai pour la journée tant il y en a) où Yoshimori s’entraîne pour être capable de rembourser sa dette à Tokine. Et puis citons un livre aussi pour bien montrer que c’est presque universel : Druss la légende de David Gemmel. Regnak, le lâche, change radicalement dès qu’il rencontre Virae, la féroce guerrière, et elle prend tout de suite la seconde place. Oui, chez Gemmel comme chez beaucoup d’autres, les femmes sont fortes : elles ont de très beaux seconds rôles.

En fait, ces schémas sont profondément ancrés dans les modes de pensées des auteurs. Souvent, quand une caste féminine maîtrise un pouvoir particulier, on nous explique que les hommes en sont exclus car lorsqu’ils utilisent le même genre de compétences, ils deviennent trop puissants pour leur propre bien et celui de leur entourage. C’est le cas des Inquisiteurs dans L’épée de Vérité de Terry Goodkind et des Claymores dans le manga de Norihiro Yagi (Zut encore un manga).
Parfois, il y a de quoi rentrer chez soi et faire son tricot, euh… je veux dire : tresser une corde pour se pendre.

 

Une bibliothèque féministe
Ou alors on peut faire de la « discrimination positive » et ne lire plus que des romans écrits par des femmes. Je souhaite la bienvenue dans ma bibliothèque à Robin Hobb ou encore Irène Radford. Dans les Aventuriers de la Mer, Robin Hobb nous montre une Althéa solide qui fait passer son idéal avant le bon et merveilleux Brashen qui pour le coup se retrouve assistant dans la quête de sa belle. Quant à Irène Radford, dans les Descendants de Merlin, elle présente une Wren qui elle aussi, agit avant tout pour ses convictions.

Ce serait de la mauvaise foi que de dire que les auteurs masculins sont tous des machos qui donnent des seconds rôles à leurs protagonistes féminines. De fait, ils ont plus tendance à décrire un héro de leur sexe, tout comme j’aurais plus tendance, si j’écrivais un roman, à choisir une héroïne. Mais en règle générale, -est-ce parce que les premiers romans de Fantasy ont été écrits par des hommes quand la société était encore très patriarcale?- même les écrivaines choisissent souvent des héros masculins : Harry Potter pour JK Rowling, Fitz pour Robin Hobb dans l’Assassin Royal, les frères Elric dans le manga Full Metal Alchemist d’Hiromu Arakawa.

Parlons d’elle justement… Parfois les auteurs même féminines, et même quand elles montrent des femmes fortes comme personnages, reproduisent des schémas pas très avantageux. Dans Full Metal Alchemist, Risa Hawkaye met tout son talent au service de Roy au point qu’elle devient incompétente lorsqu’elle le croit mort (mais elle est capable de menacer la vie du dit-monsieur pour qu’il continue de se battre pour ses objectifs). Quant à Winry Rockbell, elle attend gentiment le retour d’Edward en préparant une tarte aux pommes… Izumi Curtis est balèze mais crache du sang à tout bout de champ (ce qui n’est pas terrible en situation de combat). Je reste une inconditionnelle de ce manga malgré tout. Surtout que la première adaptation en anime peut laisser penser que Hiromu Arakawa valorise trop les femmes au goût des réalisateurs de shonens. En effet, alors que dans le manga Winry part se perfectionner en mécanique chez un maître en la matière, dans l’anime elle renonce car elle doit prendre soin de sa grand-mère (quelle petite fille indigne franchement d’aller apprendre le métier de ses rêves et de laisser sa très capable grand-mère se débrouiller toute seule).

Bref, les stéréotypes ont la vie dure. Toutefois, j’ôte mon chapeau devant des Serge Brussolo (et sa Peggye Sue), des Philip Pullman (et sa Lyra ou sa Sally Lockart), et d’autres encore. Je pourrais faire pareil pour Pierre Bottero et son Ewilan mais j’aime pas ce bouquin. Heureusement, certains auteurs, même masculins, ont des héroïnes d’envergure. Donc non, pas besoin de se cantonner aux romans écrits par des auteures pour ne pas réduire sa bibliothèque en cendres/miettes/morceaux (rayez les mentions inutiles selon vos tendances destructrices). C’est peut-être surtout une question d’époque, les livres présentant des personnages féminins valeureux sont de plus en plus fréquents et les autres se font maintenant un peu vieux.