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La salamandre de Morris West

Petite incursion dans un échiquier de politique italienne.

roman publié en 1973


Le colonel Dante Alighieri Matucci, bien qu’homonyme d’un célèbre poète, travaille comme un agent plutôt banal du service de renseignements italien. Il mène une vie relativement réglée entre missions à toutes heures, recherche d’informations permanente et soirées agitées passées dans les bras des femmes. Quand une nuit, le Général Pantaleone décède d’un assassinat camouflé en suicide, l’affaire lui est confiée. Il commence à s’en charger, effectuant les formalités habituelles, mais très vite, il s’aperçoit que des enjeux plus graves se cachent derrière le simple attentat politique. C’est un coup d’état qui se prépare pour imposer un nouveau fascisme à l’Italie.

Tricher pour gagner

Dans un contexte politique instable, le pays oscillant entre extrème droite et extrème gauche, la menace est réelle. Dante, férocement opposé au totalitarisme de part son histoire personnelle ou plutôt celle de son père, s’investit dans l’enquête. Il s’intéresse à l’identité de celui qui se cache derrière le symbole stylisé d’une salamandre. Il déroule le fil jusqu’à s’apercevoir que son supérieur est étroitement mêlé à la conspiration. Or cet homme aguerri est un très fin adversaire. Dante Alighieri, qui en plus doit gérer une relation amoureuse avec une femme aussi fortement impliquée, se retrouve piègé dans une toile aux ramifications trop complexe pour lui. Il rencontre alors un étrange allié : un personnage puissant, à la fois loyal et duplice, qui a des relations dans tous les milieux. Homme de pouvoir expérimenté, il s’impose comme un collaborateur et un mentor. Entre coups d’échecs, de pokers, stratégies fines et actions spontanées, le roman entraîne son lecteur de péripéties en péripéties, même s’il manque peut-être de quelques coups de théâtre. On est plongé avec délectation dans un univers politique où l’église romaine est incontournable, la mémoire de la seconde guerre mondiale encore très sensible, les conflits d’intérêts, les alliances et les trahisons monnaies courantes, les histoires personnelles fortement sous-jacentes et où il faut être au moins un loup pour survivre.


Le serment des lymbes de Jean-Christophe Grangé

Des policiers très religieux

roman publié en 2007


Au premier abord, l’idée est séductrice. Deux fervents catholiques : ils ont suivi de respectables études en théologie, leur voie semble toute tracée et prête à les mener dans un monastère ou quelque haut lieu écclesiastique. Cependant, ils choisissent une destinée plus complexe. Afin de remuer la « merde » au plus près et de se rendre utiles, ils s’engagent dans la police. Et pour se blinder, rien de mieux que d’entrer dans les services les plus trashs. Le héro, Matthieu, fait ses classes au Rwanda puis à la Brigade des Moeurs.
Quelle n’est pas la surprise de Matthieu quand son meilleur ami, fervent pratiquant, se suicide, désobéissant au dogme. Impensable. Possédé par le besoin de comprendre, il se lance sur les traces des dernières enquêtes du défunt et se plonge dans une obscure histoire de meutres, de cadavres en décomposition et un insoluble infanticide. Très vite, il apparaît que l’image du diable, qui obsédait Luc, est inséparable de ces évènements. Au simple polar s’ajoute une dimension ésotérique et à la limite du fantastique.
Fait intéressant, le saint Luc, pris par la passion du Christ, apparaît comme menteur et manipulateur (pour la bonne cause) sur son lieu de travail. Ce qui aurait pu donner lieu à de fines observations sur la façon dont certains croyants s’arrangent avec leur conscience pour se permettre quelques exactions pas très reluisantes, est hélas gâché par un manichéisme binaire et trop complaisant. Les bons croyants d’un côté, les adorateurs du Malin de l’autre.
Alors que quelques personnages nuancés se dessinent, comme des catholiques malhonnêtes ou violents, ils sont très vite rattrapés par Jean-Christophe Grangé qui remet bien les choses à leur place : ce ne sont pas de vrais chrétiens mais des serviteurs du Diable qui se sont infiltrés parmi les croyants. Décevante simplification.
Autre fait gênant, un étrange passage dans un monastère où les religieux mênent des actions contre musulmans (et juifs?). Leurs drôles d’activités ne sont pas condamnées par notre bien-aimé héros et policier. Matthieu, bien qu’il ne souhaite pas prendre part à cette mascarade, laisse faire et joue le lointain sympathisant. Cette séquence est d’autant plus perturbante qu’elle n’apporte pas de réel élément à l’intrigue. Alors, doit-on mettre cette douteuse indulgence sur le compte d’une volonté de rendre le protagoniste plus humain et sombre ? Après tout ce parfait croyant n’est pas si innocent. Il est adepte des prostituées (noires de préférence) et il ne les traite pas vraiment avec déférence. Si tel était là l’objectif de l’auteur, je regrette qu’aucun jugement sur le personnage ne soit esquissé et que le roman se close sur les louanges du beau et bon héros : pur, malgré ses malhonnêtés.
La lecture de ce roman n’en était pas moins très plaisante. Malgré une conclusion franchement désolante, qui gâche toutes les bonnes idées précédentes, le déroulement est haletant et le suspense ne connaît que très peu de temps morts.
Pour finir, un des grands mystères du roman n’est pas résolu. Que prend Matthieu pour poursuivre chaque jour son enquête en passant plus de trois nuits sur quatre sans dormir? S’il est prévu que la brigade des Stups s’intéresse à la question dans un prochain roman, j’espère que les personnages auront, cette fois, un peu plus de profondeur.